(Une queue à un enterrement, deux personnes, en file indienne. La conversation s’entame : la deuxième se penche à l’oreille de la première)
ELLE – Ça fait longtemps que vous attendez ?
LUI – Il en met un temps pour une cérémonie, ce druide.
ELLE – Comment est-ce qu’il s’appelait déjà ? Il faut que j’écrive ma carte.
LUI – Edvard ? Non, Einar.
ELLE – Non mais le nom.
LUI – Tambarsk… c’est marqué dessus (désigne la pierre tombale)
ELLE – Non mais c’est du runique et je n’ai pas mes lunettes. (plisse les yeux) Ah mais c’était le fils de…
LUI – Eh bah du fils de…
ELLE – Si, qui était marié à la fille… Il y en avait toute une saga.
LUI – Ah mais comment donc ? Le politicien ?
ELLE – Comment c’est arrivé ?
LUI – Il a voulu aller au palais faire un réclamation
ELLE – Ça, l’administration, quand on n’est pas fait pour…
LUI – Phobie… Phobie administrative.
ELLE – L’autre jour, je voulais aller faire renouveler ma…
LUI – Attendez, ça avance. (avancent d’un pas chacun)
(un temps)
LUI – Il était dans l’opposition.
ELLE – Oui il avait fait sa campagne sur l’augmentation des patrouilles de drakkars aux frontières.
LUI – C’était pas exactement la ligne politique à l’époque.
ELLE – Comment on dit quand c’est le roi qui te tue ? C’est quoi un régicide à l’envers ?
LUI – C’était le roi lui-même ?
ELLE – Non, il avait délégué. Il avait conseil des ministres. Mais il a promis que le coupable serait exécuté sur le champ.
LUI – On n’a pas retrouvé de gravure de l’agresseur ?
(avancent d’un pas chacun)
ELLE – Alors la veuve s’appelle Bergliot ? C’est pas de chez nous ça ?
LUI – Oui, Marie Bergliot. Je crois qu’elle est arrivée récemment en Norvège.
ELLE – Ç’avait pas trop fait jaser le mariage ?
LUI – Vous pensez, elle était devenue païenne.
ELLE – Je m’attendais à quelque chose de plus gai…
LUI – C’est vrai que quand on demande à des gens de venir, on pourrait au moins avoir la politesse de ne pas faire la tronche.
ELLE – Et puis c’est plein de pécores. Ils jettent du foin sur la tombe.
LUI – C’est-à-dire que politiquement, il ne péchait pas chez les rupins.
ELLE – Quand on veut du vote rural, on finit les pieds dans le compost.
(avancent d’un pas chacun déposent les gerbes)
ELLE – (repartant côte à côte) Mais alors, pourquoi vous êtes venu finalement ?
LUI – Ça fait bien, vous savez c’était quelqu’un d’important.
ELLE – Oui enfin, pour notre génération…
LUI – C’est vrai que la moyenne d’âge est pas élevée…
ELLE – De toute façon dans 1000 ans, personne n’en parle plus.
Présentation de « Funeral Music » d’Edvard Grieg écrite en 2015 avec la collaboration de Louise Morel et Léo Papet
